Vos questions sur la polyamorie

Vous avez des questions sur la polyamorie/le polyamour ? Je vous propose de vous partager ici les réponses que j’y apporte. Attention, je ne détiens en aucun cas la vérité sur le vaste sujet des relations affectives et sentimentales ouvertes. Ces réponses sont le fruit de mes lectures, de mes réflexions et de mon expérience.

Vous pouvez me poser vos questions via le formulaire de contact, et je tenterai d’y répondre. Si vous souhaitez soutenir ma démarche de diffuser l’idée d’un polyamour éthique au grand public, vous pouvez participer au projet en pré-achetant un ou plusieurs livres ici

Florilège

« Mais c’est quoi exactement le polyamour ? Et qu’est ce qui le différencie du libertinage ? »

Sur wikipédia, encyclopédie collaborative de référence, le polyamour est défini comme « une orientation et une éthique des relations amoureuses où les partenaires sont en relation amoureuse avec plus d’une personne, avec le consentement éclairé de toutes les personnes concernées ». En d’autres termes, cela signifie que les polyamoureux.ses s’autorisent des relations sexo-affectives avec plusieurs personnes, et vivent leurs relations multiples en conscience et en attention avec chacun.e.

Le libertinage, quant à lui, évoque davantage l’ouverture d’un couple (souvent socle), à des relations physiques extérieures, et exclut, a priori, la dimension amoureuse. Un.e libertin.e peut néanmoins être polyamoureux.se, et une polyamoureux.se apprécier libertiner avec un.e ou plusieurs de ses partenaires.

On est en couple depuis plusieurs années. Je pense qu’on est un peu perdu, conscient d’avoir besoin de quelque chose d’autre mais sans vraiment savoir comment avancer. On veut avancer mais en préservant l’autre, sans se blesser, je crois que c’est ça qui nous bloque sans doute, la peur.

C’est un chouette chemin que de sortir du cadre de la monogamie. Mais pour que ce soit éthique et éviter les souffrances, c’est du job ! Je vous recommande le livre L’éthique des amours plurielles, avoir plusieurs amoureux, les respecter et se respecter, anciennement « La Salope Éthique ». Et aussi de participer à des cafés poly au moins au début, pour rencontrer d’autres personnes en questionnement, et surtout, des personnes qui sauront vous parler des pièges et des précautions à prendre. À Marseille, on a pensé le café poly avec un atelier dédié aux « nouveaux », pour discuter de toutes les questions que cela pose. Peut être que d’autres villes font ça aussi ?

Ton livre est peut-être un bon début ?

Mon livre peut être un bon début. J’y parle de mon parcours de déconstruction, à partir d’un couple traditionnel (mariée avec enfant), depuis le début de l’insatisfaction, la tromperie et l’envie de faire autrement. On y trouve mes premiers questionnements, mes échecs, mes erreurs, mes joies, mes découvertes. Les grandes thématiques du polyamour y sont abordées.


Mais comment gérer la peur de se séparer de l’autre, de se retrouver seul, de chambouler sa vie ?

C’est le cœur de toutes les questions d’ouverture au polyamour. Il faut apprendre à dompter la jalousie et à la limiter.
Lorsque l’on s’est construit sur des bases monogames dans son couple, ce n’est pas évident du tout. D’autant qu’il existe un état chimique passager au début des nouvelles relations, qu’on appelle NRE (New Relationship Energy- énergie de la nouvelle relation), et qui fait un peu perdre la tête, j’en parle dans mon livre.
Si vous envisagez d’ouvrir votre couple, vous devez commencer par vous parler vrai, sans vous mentir. Souvent, après quelques années de couple, l’intensité n’y est plus, la sexualité n’est plus la même, et l’envie de ressentir des émotions et sensations fortes est puissante. Pourtant, un jour, tous les deux, vous avez choisi de vivre ensemble : qu’est ce que votre relation vous apporte ? Qu’est ce qui est précieux ? Pourquoi c’est important pour vous ? C’est avec ces réponse que vous allez commencer à vous sécuriser.
Puis, si vous décidez d’ouvrir votre couple, il vous faudra anticiper sur ce qui pourrait se passer et poser clairement ce que vous vous engagez à respecter. Si l’un.e de vous rencontre quelqu’un d’autre et tombe amoureux, il ou elle va avoir envie d’être tout le temps avec l’autre, et votre relation du quotidien risque de lui peser. Il faut le prévoir, en parler et vous poser un cadre.

Avec ma compagne, on se sent vraiment bien ensemble et nous avons trouvé notre équilibre de vie. Mais nous sentons qu’il nous manque quelque chose pour être plus épanouis sexuellement et «relationnellement » parlant.
Ma compagne a envie d’expérimenter des relations lesbienne, et moi j’admire les polyamoureux pour leur capacité à se réjouir de l’épanouissement de l’autre et non de vouloir le posséder rien que pour soi. Sur le papier j’adhère totalement, mais je suis rattrapé par des peurs.
Qu’est ce qui permet de gérer sa jalousie, sa peur d’être abandonné, quitté ?

Il y a plusieurs éléments importants dans ces questionnements. Et peut-être en premier lieu, quelques idées reçues. Vous évoquez la compersion, ce sentiment que l’on oppose généralement à la jalousie, et qui exprime cette capacité de se réjouir du plaisir que peut prendre une personne aimée avec une autre personne. Il faut savoir que ce sentiment ne va pas de soi. Pour nombre de personnes, et même parmi les polyamoureux les plus expérimentés, la compersion est le fruit d’un travail, d’une construction et elle n’empêche pas la jalousie.

Je pense que ces deux états méritent que l’on s’y attarde de manière différenciée. Pour le dire vite, la jalousie vient parler de nos insécurités, et nos insécurités ont besoin d’être reconnues et non niées. Plus le couple saura accueillir les peurs sans les moquer, quelles qu’elles soient, aussi peu rationnelles qu’elles soient, plus la parole sera libérée et les amoureux pourront se parler vrai. Mais la jalousie vient aussi de la peur de ce qui est inconnu, de cet autre dont on connaît vaguement l’existence et que l’on fantasme. Serait-il plus beau ? Plus intelligent ? Plus drôle ? Un meilleur amant ? Plus cet autre nous échappe, plus il nous effraie. Et contrairement à ce que l’on peut imaginer en premier lieu, le rencontrer, lui donner un visage, une personnalité, est bien souvent bien plus rassurant qu’effrayant. Et qui sait, peut-être deviendrez-vous amis, comme j’en parle dans le podcast sur le prendre soin dans ses relations métamoureuses ?

En ce qui concerne la compersion, l’entrée est un peu différente. Elle est difficile à atteindre car elle nécessite d’avoir une estime de soi assez solide pour accepter que nous ne sommes pas un tout pour l’autre, et que d’autres personnes son nécessaires à son épanouissement général. Le travail à mener est plus individuel, et, selon les parcours personnels, parfois longs et laborieux. Mais la compersion n’est pas un graal, et il est tout à fait possible de vivre la polyamorie sans être compersif. Commencer par « travailler » sa jalousie me semble une entrée prioritaire.

Quelles sont les limites dont il est important de parler

Il me semble important de parler de toutes ses limites, et de les discuter. Dans le milieu polyamoureux, on recommande souvent d’avancer au rythme de celui qui est le moins à l’aise. Mais pour cela, il faut savoir reconnaître ses limites et les communiquer. Parfois, le simple fait de les nommer réduit l’inconfort, et les mots de réassurance suffisent. Parfois c’est plus compliqué et on peut décider de se poser certaines règles pour se sécuriser. On peut, par exemple, décider qu’il n’y aura pas de relations sexuelles dans le domicile du couple, ou pas de nuits complètes avec une autre personne. On peut aussi souhaiter, par exemple, que les vacances nous soient réservées. Mais attention, car en posant des veto de ce type avec un partenaire, on se retrouve malgré nous en situation de domination vis à vis de nos autres partenaires, qui sont alors relégués au second plan. Je pense qu’il est très important de penser les règles et veto comme strictement transitoires. C’est une question d’éthique.


Que faut il dire ou ne pas dire ? Par exemple je ne pense pas avoir envie de savoir ce que ma compagne fait avec d’autres, mais juste savoir si c’est ok, et si c’était bien pour elle.

Ici je ne vois pas de réponses toute faite. Ça se discute. Nous n’avons pas tous les même limites, ni les mêmes besoins. Si vous sentez que trop de détails vous font souffrir, dites-le lui, et demander à avoir seulement les informations qui vous semblent importantes. Si, au contraire, vous avez besoin de savoir, dites-le lui également. Et, mieux encore, anticipez ! Provoquer un échange pour mettre sur la table vos attentes d’après rendez-vous. Attention néanmoins à garder en tête que vous n’êtes pas les deux seuls impliqués dans cette affaire, et que l’autre personne a le droit à une intimité préservée.


Y a-t-il une relation socle, avec ensuite les autres qui gravitent autour ?

Le modèle de relation socle avec relations satellites est le modèle le plus fréquemment observé parmi les couples classiques s’ouvrant au polyamour. Il permet, dans un premier temps au moins, de modifier plus en douceur la relation préexistante. Il est aussi privilégié par les couples avec enfants souhaitant maintenir leur organisation familiale.

Il existe néanmoins d’autres manières de vivre les relations polyamoureuses. On trouve par exemple l’anarchie relationnelle (ou chaque relation se créé son modèle inédit, indépendamment des autres relations ) ou encore le polyamour hiérarchique (où, à l’inverse, une relation « prioritaire » définit et régit les règles de l’ensemble des personnes impliquées).

Chacun de ces modèles comporte son lot d’avantages et d’inconvénients. Si hiérarchiser son couple permet de le sécuriser, a priori, il interroge néanmoins sur la place données aux personnes « secondaires », qui doivent, en quelque sorte, subir les décisions du couple de base. Pour ces raisons, l’anarchie relationnelle, en offrant une semblable considération à chacun, semble éthiquement plus solide. Elle s’adresse néanmoins à des personnes suffisamment sécures, et ayant développé une solide estime d’elles-même, qui parviennent à accepter la part de risque en toute chose, et qui n’ont pas besoin de se raccrocher à un fonctionnement connu et rassurant. Et ceci n’est pas donné à tout le monde ! Si effectuer un travail sur soi pour ne pas faire porter à l’autre le poids de ses propres difficultés semble de bonne indication, l’injonction à être parfaitement équilibré pour relationner autrement pourrait bien être une dérive dont nous aurions à nous méfier…

Comment gérer des besoins différents dans un couple ?

On observe souvent, au début d’une nouvelle relation, une tendance à valoriser, voire à survaloriser les multiples points communs que nous avons avec nos amoureux.ses. On aime à constater que l’on partage le même goût pour la cuisine, la littérature russe ou les jeux de société, on s’amuse d’avoir la même tendance au pantouflage ou, au contraire, aux journées suractives, et on s’extasie bien souvent devant une compatibilité sexuelle perçue comme inédite. En réalité, on est perturbé par une puissante énergie (la fameuse NRE, dont je parle plus haut) qui nous aveugle et peut fausser notre authenticité. Sans le vouloir, on se ment un peu, et surtout, on se construit une relation de couple qui ne correspond pas parfaitement à nos réalités. Cela n’est pas très grave, et cela s’apparente finalement aux compromis que l’on accepte parfois de faire pour poursuivre harmonieusement sa relation amoureuse. Mais cela entretient néanmoins un mythe qui peut s’avérer préjudiciable à terme : celui de croire que l’autre aurait les mêmes besoins que nous.

Avant de « gérer » les besoins différents, il importe donc de les repérer et de les nommer. Il peut s’agir de besoins de partager des activités physiques ou intellectuelles, de plaire ou de séduire, d’une sexualité différente ou variée, de diversifier ses manières d’aimer, d’avoir des repères stables, de se créer un cocon familial, etc.

Avoir des besoins différents n’est pas une fatalité. Faire exister et cultiver cette diversité de besoins peut même assainir des fondations mal consolidées. On peut par exemple essayer de déterminer pour chacun.e quels sont les besoins impérieux et ceux qui le sont moins. Repérer ceux que l’on a étouffés, et s’interroger sur les raisons qui nous ont poussées à le faire. Ensuite, ensemble, essayer de trouver des solutions qui conviennent à chacun.e .

Attention néanmoins à ne pas minimiser les besoins de son ou sa partenaire en projetant sa propre échelle de valeur. Vous voulez qu’il ou elle accepte vos besoins de diversité, acceptez son besoin de sécurité, et trouvez des solutions pour le lui procurer.

J’entends souvent parler qu’en polyamour, il faut aller à la vitesse du plus lent. Mais ça veut dire quoi, concrètement ?

Lorsque des partenaires amoureux décident d’ouvrir leur « couple » à d’autres relations, ils se confrontent parfois à des jalousies plus ou moins supportables. L’idée d’aller « à la vitesse du plus lent » vient de la volonté de ne pas brusquer la transition du couple, en prenant le temps qui est nécessaire à une évolution la moins douloureuse possible. Aller à la vitesse du plus lent, c’est donc en réalité aller à la vitesse de celui qui est le moins à l’aise, et prendre en compte son rythme, et ses émotions.

Pourquoi ce n’est pas si simple ?

En réalité, cette belle idée, (que je recommande néanmoins, au moins dans un premier temps), comporte des écueils qu’il me semble important de souligner. Le premier, est stratégique. S’il permet d’accompagner plus en douceur l’ouverture amoureuse, ce « truc » ne fonctionnera réellement que si les polyamoureux en herbe partagent une volonté réelle d’affronter et de surpasser leur jalousie. Car face à des insécurités tenaces, il est bien possible que le partenaire « le plus lent » ne freine l’ouverture au moindre sentiment d’inconfort. Et, cela pourrait bien reculer voire empêcher l’ouverture réelle du couple…

Le deuxième écueil est éthique, et un peu plus difficile à reconnaître , car il faut réussir à se décentrer, ce qui n’est vraiment pas évident au début du cheminement.

Je m’explique : lorsque l’on décide d’aller « à la vitesse du plus lent », c’est bien souvent parce qu’une nouvelle personne est entrée dans la constellation amoureuse (et que l’un des partenaires commence à paniquer). Or, cette nouvelle personne ne mérite pas moins de considération que les membres du couple initial, et ne devrait pas subir leurs décisions sans avoir son mot à dire. Idéalement, elle devrait même être intégrée à la réflexion générale sur la nouvelle dynamique amoureuse. Mais tout cela peut être extrêmement difficile à vivre, en tout cas au début du processus, et renforcer les insécurités. C’est pourquoi certains couples choisissent d’assumer la hiérarchisation de leurs relations, malgré tout. (voir la question Y a-t-il une relation socle, avec ensuite les autres qui gravitent autour ?).

Je discute depuis quelque temps avec quelqu’un qui me plaît bien et on a prévu se voir bientôt : quand dois-je en parler à mon/ma/mes partenaires ?

L’éthique polyamoureuse implique consentement et transparence. Cela suggère de communiquer sur les rencontres qui pourraient avoir un impact direct sur la/les relations préexistantes. La question du moment de le faire dépend de plusieurs paramètres, que l’on aura, idéalement, discutés en amont avec sa/son/ses partenaires.

Les questions que l’on peut se poser :

Quelles informations ai-je -profondément- besoin d’avoir pour me sentir bien/en sécurité dans ma relation ? Pourquoi c’est important pour moi ?

A quel moment je souhaite avoir cette information : avant le premier rendez-vous/baiser/rapport sexuel/sentiment amoureux ? Ou plutôt après ? Pourquoi c’est important pour moi de le savoir/de ne pas le savoir à ce stade ?

A partir de là, on peut convenir d’un fonctionnement qui corresponde aux besoins de chacun.e (ou à l’idée que l’on se fait de ses besoins) et décider de l’appliquer de manière ferme (quelles que soient les circonstances), ou souple (en s’adaptant aux circonstances et à la disponibilité psychique du/de la partenaire).

Quoi qu’il en soit, attention de ne rien figer définitivement, car l’épreuve des situations peut amener à modifier son point de vue !

Important ! Rien n’oblige à définir les mêmes règles pour chacun.e. Par exemple, un.e partenaire peut souhaiter être informé.e dès les prémisses d’une rencontre et quelle que soit son issue, quand l’autre préférera attendre que la relation se concrétise, pour ne pas créer d’anticipation anxieuse.

Pour finir, je voudrais ouvrir le débat sur le nouveau questionnement éthique que cela amène : se doit-on de vraiment tout se dire et quel en serait le fondement ? Dans quelle mesure n’est-on pas dans l’ingérence lorsque l’on demande à son/sa/ses partenaires de tout nous raconter ? Et de quoi parle-t-on vraiment lorsqu’il est question de transparence en polyamorie ? N’hésitez pas à poster vos commentaires sur le sujet.

Je pense être en dépendance affective, d’après vous est-ce que le polyamour pourrait me satisfaire ?

Réponse en construction

2 réponses sur « Vos questions sur la polyamorie »

Un ami polyamoureux a une relation amoureuse avec un homme qui cache cette relation à son « amoureux principal », car lui ne souhaite vivre que de l’exclusivité. Autrement dit, il participe à une « tromperie », en renvoyant la responsabilité au couple.
Est-ce que cela rentre dans le cadre du polyamour ?

Bonjour, se définir comme polyamoureux, vivre le « polyamour », ou la polyamorie, implique que les relations soit vécues consensuellement par l’ensemble des personnes impliquées, de près ou de loin. Dans le cas que vous décrivez, on est bien loin du polyamour et de son éthique.

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